DEMARCHE

Inspirées par l’observation de l’humain, mes images constituent une réflexion sur la perception du réel et la place de l’homme dans le monde : il s’agit d’un jeu d’aller-retour permanent du rêve à la réalité. Mon désir de réunir virtuel et réel (la réalité devient virtuelle) est valorisé par la technique numérique.

Cependant, ne nous y trompons pas, sous des abords parfois cocasses, des situations plus graves liées à notre condition humaine sont évoquées: l’enfance, la pauvreté, la solitude, notre relation à la nature et à la mort…

Mon vocabulaire plastique mêle étroitement photographie et dessin numérique. Je joue avec les apparences. Ainsi, ce que l’on croit être de l’herbe est en réalité autre chose…

Les personnages et leur environnement sont en interaction permanente.

Une enfance passée au cœur de la nature m’a appris à déceler les liens invisibles et impalpables qui agencent et unifient l’univers.

Il s’agit, en fait, d’une quête d’unité faite de symboles, où la poésie nourrit l’humour.

Je laisse à chacun le soin de les découvrir selon son imaginaire…

TECHNIQUE

Les images sont réalisées en deux étapes successives : la prise de vue photographique et le travail numérique sur ordinateur.

D’abord, je recherche des personnages, des environnements et des objets correspondant au profil des Pinocchios que je souhaite présenter. L’appareil photographique me permet de constituer une banque de photographies qui serviront à l’élaboration de mes images . Pour un même sujet, je réalise plusieurs poses. Parfois, je laisse danser l’appareil, n’hésitant pas à déclencher au jugé (sans cadrer), accordant une grande place au hasard et à l’intuition dans une approche surréaliste de la prise de vue.

Les effets de floutage et filage sont obtenus avec des poses longues qui me permettent d’obtenir à la fois  des effets de transparence et de mouvement.

J’utilise parfois des captures d’écran issues de l’Internet.

Ensuite, je retouche numériquement avec une palette graphique les photos collectées : il s’agit d’un travail de re-cadrage, de re-composition et de création d’une nouvelle image à partir de plusieurs photographies ;

Le format carré me permets d’exprimer l’idée d’un mouvement circulaire et mettre plus facilement en relation les éléments de la composition.

J’utilise pour cela  des calques que je superpose et transforme avec tout le répertoire de réglages de Photoshop, passant progressivement d’une image complexe à une image plus simple. Je ne garde que les éléments les plus pertinents pour mon sujet.

Enfin, l’utilisation du pinceau numérique me permet d’affiner l’ensemble et d’intégrer des éléments graphiques créant lien et dynamisme entre les éléments de la composition

A propos de la série « Les Pinocchios»

« Il nous est tout naturel de penser que Pinocchio a toujours existé, on ne s’imagine pas en effet un monde sans Pinocchio! », observe à juste titre Italo Calvino. Si tout le monde se souvient de ce nez qui s’allonge sous l’effet du mensonge, on voit moins que c’est pour mal dissimuler que cet «oeil de bois de pin» était passé de muet à parlant, de mort à vif, de bûche à chair… et même de garnement à enfant sage, en traversant au passage toutes sortes de frontières. Il fut chien de garde attaché à sa niche ; âne, il faillit être vendu pour sa peau ; il manqua de peu de passer à la poêle comme un vulgaire poisson ; il vola sur un pigeon ; à peine échappé du ventre du requin dont il extrait son propre père, le voilà qui embrasse son sauveur, le thon, sur la bouche. Brisé, pendu, noyé, la vie d’un pantin fabriqué à la main par un artisan du XIXe siècle est tout de même très menacée. Tout le monde connaît la conclusion : On ne se sauve que par l’étude.

Mais si l’on ne peut pas imaginer un monde sans Pinocchio, c’est que, depuis toujours, l’humanité ne cesse de réinventer ses frontières. C’est l’archimétaphore de cette histoire.                                    Observez, dans les images de Philippe Chardon, tous les franchissements, les inversions de perspectives, les lignes de séparation, les traversées de miroirs, tous ces changements de genres et de registres. Dans cette affaire, le nez allongé et (allons-y gaiement) coloré, cette épine dans le mensonge, n’est pas du tout le problème. Ce n’est que le symptôme d’une morphogénèse affolée et généralisée qui emporte avec elle visages, arbres, animaux, ombres, nuages, flammes et ballons…

Or, si l’on sait bien que l’art numérique issu d’une palette graphique (de retouches en incrustations, de calques en transparences, etc.) permet toutes les mutations visuelles imaginables, Philippe Chardon, sans trop avoir l’air d’y toucher, impose la question que l’on se pose moins :

Qu’est- ce que ces nouveaux «paysages», ces nouvelles images font muter dans la pensée et l’existence des hommes ?

Voilà la question que ses «Pinocchios» posent – et vivent – en clair.

On aura peut-être le sentiment que les réponses ne sont pas transparentes, qu’elles sont plutôt allégoriques ou oniriques. Mais cela ne doit pas dissimuler que la question, elle, n’est pas le moins du monde cryptée. Toute cette fantasmagorie pointe notre époque au coeur, et nous n’avons pas de mal à y lire ce que cela évoque. Chacun le formulera à son gré.

Faisons observer que ce fut également le cas du livre «Pinocchio» de Collodi, qui passa de «gaminerie» de journaliste à grand classique de la littérature pour tous les âges. À ce titre, comme le fait à nouveau remarquer Italo Calvino, «il ne finit jamais de dire ce qu’il a à dire».

Mais qu’est-ce qui nous sauvera désormais de cet univers qui n’est plus ni animal, ni végétal, ni minéral, et qui n’est plus, toujours et partout, que digital, fantastique et numérique ?

Peut-on encore compter sur ces hommes qui, dans ces images, portent leurs habits «de tous les jours», voire « de toujours » ? S’il est évident que le monde qu’ils regardent nous concerne et ressemble au nôtre, eux mêmes semblent déjà avoir renoncé à nous regarder.

Quelque chose comme de l’incertitude gagne.

Qu’est-ce qui sauvera Pinocchio ?

Bernard Cier, critique et journaliste (2012)

 

Série « le goût du ciel »

«Les hommes avancent sur des routes toutes tracées comme s’ils étaient tenus par des laisses          invisibles » (Karen Blixen)

A Paris, quand je dis «BONJOUR», personne ne me répond. Chacun semble  pressé, suivant de manière machinale des chemins d’habitudes, le plus souvent caché derriere un téléphone portable…

Il m’a semblé intéressant d’interpréter les traces urbaines qui materialisent visuellement ces «routes toutes tracées» que l’on empruntent sans être vraiment présent.

Ainsi, j’ai colorié numériquement en rouge les rue, passages piétons, lignes de jeux des cour d’école…, toutes ces limites qui représentent des protections mais symbolisent aussi des frontieres derriere lesquelles beaucoup se retranchent  (dans l’image «Montparnasse, l’ivrogne est invisible aux yeux des passants, dans «Shinjuku», les piétons avancent, confiant vers une sorte de méduse nucléaire…);

En rendant visible les routes, je les ai également transformées en liens virtuels ;

Dans  «la rue Montorgueil», les personnes rouges représentent à la fois la solitude de l’individu dans la foule mais aussi l’unité de toutes ces personnes guidées par la rue, sorte de pont vers la lumière.

La technique numérique me permet par superposition de calques et transparences de mettre en perspective les traces d’un passage. Les personnes représentées sont des passagers d’hier et d’aujourd’hui, unit l’espace d’une image.

CV

Philippe Chardon, plasticien

Né au Puy en Velay (1968), vit à Amiens,

Formation : autodidacte et école des Beaux Arts (Versailles) / résidences d’artistes (France, Roumanie)

Affilié Maison des Artistes/ ADAGP

 

EXPOSITIONS

2012          Université de Rouen (déc)

MAC2000 (22/25 nov/ Paris)

BERLINER liste 2012 (13/16 sept/ Berlin)

MAC-Multimédiart (6/9 sept/ Paris)

Invitations d’Artistes de Picardie (Amiens)

2011          MAC2000 (Paris)

Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (Paris)

2008/10     UNESCO ( série « Si j’étais magicien… »/ Paris)

Création «Hana no Michi» (théâtre Agora/ Tokyo)

Villejuif /Grands formats dans la rue/ série « Si j’étais magicien… »/ Villejuif )

2006          Itinéraires Photographiques en Limousin (Limoges)                                                                                                                                            Festival «TERRITOIRE EN IMAGES»  (Institut Géographique/ Paris)

2004          Galerie Union des Artistes Plasticiens – (Bacau/ Roumanie)                                                                                                                                        FNAC (série « Rêves »/ Vélisy)

2003/02     Salon des Arts (Challenge the Nail Exhibition/ Londres)

RUE DES LIBRAIRES (Paris 19)

ROTONDE DE STALINGRAD (Paris 19)

Divers                 participation aux Portes ouvertes de Montreuil (espace Comme Vous Emoi depuis 1998)

Initiateur du projet « Roumanie – Sibiu 2007 » et des premières rencontres Franco-                           Roumaines de Montreuil (expositions et résidences pour   15 artistes)

RÉFERENCES – création d’univers visuels

– «Les étoiles» (2011): Commande de Daniel Mesguich, directeur du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, de deux visuels grands formats présentant une centaine de personnalités célèbres de l’Institution;

– «La Ribambelle» (2011): Commande particulière d’une œuvre sur toile s’inspirant du lieu de vie et de la famille des commanditaires; L’image est marouflée au plafond d’un manoir;

Photographe/ maquettiste de «Musique en Utopia », Association culturelle parrainée par Albert Jacquard/ Hubert Reeves…

AFFICHES/ IMAGES pour Daniel et William Mesguich, Roland Dubillard, Alfredo Arias…

REPRÉSENTATION

Musée Tristan Tzara (Roumanie)/ CNSAD (Paris), collections particulières/

Artothèque Université de Rouen

PUBLICATION  CHASSEUR D’IMAGES (N° 284)