Expositions
Démarche artistique
ZONES CRÉPUSCULAIRES
Mulhem promène son regard sur la société qui nous entoure, et restitue comme il le ressent le reflet d’un monde pixelisé sur fond de paillettes. Ce n’est ni une critique, ni une allégorie, seulement un plaisir sensuel de peindre et de partager des émotions.
Son travail a une approche technique et sensorielle. La technique est un pointillisme moderne il peint des accumulations des petites formes qui par l’aspect, la dimension et la couleur révèlent des portraits, des corps, des objets ou des scènes. Il trompe l’œil et surtout l’esprit. Dans son texte ‘Le regard du dedans’ Pierre Restany dit de Mulhem, ‘si il nous prend au piège c’est pour nous aider à mieux voir au dedans et du dedans’. Ces différentes lectures de loin, de près ou de côté, créent une interactivité entre l’artiste, l’œuvre et le spectateur. Nous sommes dans un monde en mouvement et Mulhem nous invite à une autre forme de création, celle du regard participant.
La forme de son travail est proche du pointillisme. Cette technique est née en France sous l’impulsion de Georges Seurat puis de Paul Signac, avec notamment La Baignade à Asnières. Dominique Mulhem y a vécu dans son enfance, au bord de la Seine à côté du pont de chemin de fer. Il a joué dans ce périmètre peint par Renoir, Bernard, Monet, Van Gogh, Signac et a été comme ces enfants au bord de la Seine peints par Seurat. Lorsqu’il a commencé à dessiner, c’était ces mêmes lieux qu’il représentait. Son travail reprend par sa forme la technique impressionniste du pointillisme et par son contenu l’esprit du Pop Art et des nouveaux réalistes et si ses accumulations de points rappellent des galets positionnés dans la structure méditative des jardins Zen ce n’est pas un hasard, Mulhem prend le temps de voir, d’écouter, de comprendre et d’apprécier.
Le crépuscule est divisé en deux parties: l’une qui suit le coucher du Soleil et l’autre qui précède son lever. Les Twilight Zones ou Zones crépusculaires sont une pensée positive aux jours sans grande importance de l’histoire humaine et des histoires personnelles. Dans les Zones Espace/Temps, Mulhem est à contre-courant de toutes les pensées. Ses superpositions d’images qui ont pour lui une forte homologie, conduisent à penser différemment les événements et les histoires. Il est là, anti-surréaliste cherchant une analogie plutôt qu’un antagonisme. Dans les Zones Espace/ Désir, Espace/Espace, Espace/Lien, Espace/Contenu … il explore d’autres univers, les corps qui deviennent paysages, les objets de la mythologie quotidienne et les rapports avec le désir et le plaisir de regarder. Le monde n’est plus vu de façon binaire mais dans une projection en quatre dimensions.
Pour demeurer constant dans un monde en permanente mutation, Mulhem suit une idée dominante, celle de nous emmener au plus près de la beauté des choses, dans une recherche esthétique en perpétuelle évolution. Au moment où l’art devient en retard sur le monde, Mulhem le devance par ses inventions picturales.
Valérie Salva de Villanueva
MUSÉE IMAGINAIRE
Le musée imaginaire est le concept du voyeur-voyant où une œuvre est mise en scène dans un musée, une femme regarde l’œuvre en participant à la vision collective de l’art. La spectatrice intervient dans ce regard du dedans avec l’œuvre regardée qui est accrochée sur un mur. Le mur, l’œuvre et la spectatrice rentrent dans la composition de l’œuvre qui pose la question sur notre regard. On regarde cette femme pensante qui regarde cette œuvre, on ne sait pas si à cet instant, une autre personne nous regarde, regardant. A ce moment-là on rentre dans ces concepts de fractales et gigognes où chaque regardant devient un regardé intégrant l’œuvre. L’acte de création est dans la complexité des regards qui créent une installation multidimensionnelle dans l’espace où l’œuvre est mise en scène. Nous sommes à la fois le créateur, l’œuvre et le spectateur, y a-t-il une émotion plus forte connue dans l’art si ne c’est celle-ci. Je vous guide vers un acte créatif.
Cette série est engagée et politiquement incorrecte comme toutes les œuvres de l’art conceptuel. La copie de l’œuvre garde ses valeurs esthétiques et ses valeurs émotionnelles, mais y sont totalement détruites ses valeurs spéculatives. L’œuvre reprend une jeunesse débarrassée d’une valeur faciale et admirée pour ses valeurs artistiques. Ce qui en fait que le musée imaginaire explore activement les conditions et les limites de l’art et le force à se redéfinir.
Le pop art s’est inspiré de l’imagerie des produits de grande consommation et a trouvé son inspiration dans les supermarchés. Les nouveaux réalistes plus politiquement engagés ont pris les déchets de la grande consommation pour créer leurs œuvres. Je ne fais ni les poubelles, ni les super marchés pour trouver mon inspiration, je fais les musées. Je suis un baroudeur, un flibustier ou un pirate de l’art suivant la position de notre regard sur l’art institutionnel. Mon basculement vers l’appropriation est venu en 1975 lorsque j’étudiais à l’école des Beaux-Arts à Paris où Arman était venu faire une intervention. Il a dit au groupe d’élèves qui discutaient avec lui: « Si vous voulez un Arman, faites-le vous-même! ». Ce fut pour ce jeune élève que j’étais une révélation sur la condition intime de l’art et mon engagement pictural.
Qu’elle est la différence entre un K d’origine et un K peint par une autre personne avec les mêmes matériaux et techniques. K avant d’autres dans l’art contemporain faisait exécuter ses peintures par d’autres personnes suivant ses directives. Il n’y a aucune différence, à part la valeur spéculative. L’authenticité est-elle fondée sur une valeur historique ou une valeur spéculative. Depuis Lascaux jusqu’à demain, l’artiste n’a de cesse de recréer et de réinterpréter par sa main, ce qui avait été créé pour certains par Dieu, pour d’autres par la nature. La plus grande création de l’homme dans l’art est la valeur spéculative. Il y a une différence avec la reproduction mécanique d’une œuvre, soit par photo ou impression, car là aucun système n’est assez fiable pour avoir une gamme de couleur pouvant reproduire toutes les nuances des teintes. On ne pourra jamais photographier ou imprimer un Klein.
Souvent lorsque quelqu’un voit une œuvre abstraite, il se dit: je peux en faire autant. Lorsqu’on voit une œuvre hyper-figurative, il se dit: est-ce peint à la main, combien de temps il faut pour faire un tableau comme ça, c’est si bien peint qu’on dirait une photo, il n’y a pas de trace de pinceau (sur un Léonard de Vinci, il n’y a pas non plus de traces de pinceau), c’est ressemblant. Ces deux types de réflexions sont du même ordre, l’important est l’autonomie esthétique et émotionnelle de l’œuvre, l’artiste, la technique et la valeur spéculative sont secondaires. L’art est la plus grande valeur émotionnelle de l’humanité.
Dominique Mulhem
Démarche artistique
Né le 13 juin 1952 à Neuilly sur Seine
Il commence à peindre en 1968.
Son œuvre traverse différents courants tels que l’Hyper-Pop, l’Hyper-réalisme et l’Hyper-Pointillisme.
Cependant, il reste précurseur de l’holographie, peinture en 3 dimensions à visualisation directe qu’il développe en 1979.
Il développe aussi la peinture à l’aérographe, à laquelle il consacrera 3 ouvrages.
« J’ai remplacé mon carnet de croquis par la documentation photographique, mes pinceaux par l’aérographe et mon burin par le rayon laser… ». Dominique Mulhem expose clairement son programme. Il demande à la technologie d’apporter à sa peinture le supplément d’âme qui est la marque de son désir et de son ambition. La vérité de son art réside dans le dualisme de sa vision: voyant et voyeur,
Des créatures de rêve devant une peinture de rêve ! devant ! c’est plutôt « Dans » que je devrais dire, car mon œil s’est avéré incapable de faire la part des choses, d’effacer cette vision simultanée, d’en séparer les deux éléments.
C’est sans doute ainsi que fonctionne le cerveau de Mulhem, et c’est ainsi que fonctionne notre mémoire visuelle dans les galeries ou les musées. Cet homme discret et secret sait ce qu’il veut, ce bricoleur génial est plein de son sujet, qui est de nous donner à voir la peinture qu’il aime et la peinture qu’il fait sous le même angle optique de la simultanéité. Si Mulhem nous prend au piège. C’est pour nous aider à mieux voir au dedans, et du dedans. Voilà ce que j’appellerais une leçon de peinture, et qui nous est donnée en douceur, sans abusive prétention. Une leçon dont je tire profit, si le regard de Mulhem semble parfois distrait, c’est qu’il est au-delà des apparences superficielles, un peu plus loin d’elles et un peu plus près. Regardez ces œuvres à deux fois, elles en valent la peine, et attention, cette hygiène de l’œil dans le « regard du dedans » risque de nous mener loin, dans la profondeur du rêve éveillé.
Pierre RESTANY